Belgacem dormait profondément, quand un bruit sourd le réveilla. Il faisait noir. Belgacem chercha sa montre, ne pouvant l’atteindre, il allongea son bras dans une seconde tentative, heurta le verre contenant son dentier, celui - ci se fracassa sur le sol nu, faisant un bruit tonitruant, amplifié de plusieurs décibels, par le silence sinistre de cette sombre et glaciale nuit de décembre. Belgacem paniqua et renonça à consulter la montre. Il se tourna sur l’autre coté, tâta la boite d’allumette, la prit de sa main gauche et d’un geste maladroit de la main droite, en extirpa une, qu’il alluma après deux tentatives. D’un geste vif, il chercha grâce au pâle reflet de l’allumette encore incandescente, le reste d’une bougie, posée comme d’habitude sur une vieille commode, lui servant de table de nuit. Il alluma frénétiquement ce bout de bougie et ressenti une vive brulure sur la pulpe des trois premiers doigts de sa main droite; machinalement, il souffla avec frénésie, se débarrassa du bâtonnet calciné, passa ses doigts sur ses lèvres et pris la bougie à la lumière chancelante. Il balaya le parterre, pour découvrir sa montre posée là, à la renverse, sur le ciment asséché .Il la retourna pour la consulter. Le quadrant indiquait minuit trente. Belgacem pensa qu’il lui restait quelques bonnes heures de sommeil avant d’entamer une énième journée de labeur. Il prit le soin de chercher son dentier qu’il trouva miraculeusement intact dans petite flaque d’eau ou baignait une multitude de débris de verre. Il le posa délicatement sur la vieille commode, pensa allumer une cigarette, se ravisa, souffla à la hâte le bout de chandelle et tenta de se rendormir. Là brusquement, tout bascula.
Belgacem se cala le dos, porta sa main droite à son front dégarni et constata que quelques perles de sueur suintaient. Il senta alors son cœur battre intensément, sa respiration devenant ample et une peur panique s’empara de tout son être. Son esprit tout entier fut accaparé par l’unique pensée dans ces circonstances : « Et, si le sommeil allait encore le quitter, cette nuit ?».
Belgacem tendit l’oreille vers le dehors, se rappelant le bruit qui le réveilla. Le silence était pesant. Les secondes s’étiraient. Le temps semblait se suspendre. Il se rappela ce que lui disait un voisin du bled, qu’il côtoyait de temps à autre et auquel la chance a permit qu’il fasse des études à l’université : « Ecoute Belgacem, rien ne peut arrêter la marche victorieuse du temps, disait un érudit.» et d’ajouter : « Le temps mène la vie dure a ceux qui veulent le tuer, disait un autre ».
Quand à la première citation, pour Belgacem, elle reste à vérifier ; la seconde par contre est plus vraie. Il esquissa à cet instant un sourire, mi- triomphal, mi-narquois, en se disant, en son fort intérieur : « C’et bizarre, comme la peur vous rend philosophe.»
Ce moment de répit passé, Belgacem senta son cœur battre moins fort. Le calme le regagna de nouveau et de nouveau il essaya de se rendormir, mais hélas, le sommeil sembla le quitter à jamais.
Khaled Boubekri